Nathalie Palayret
La bibliothérapie en pratique : Partir

D'abord, un texte à lire lentement, tranquillement. Le mieux, c'est encore de lire à voix haute, même si on croit qu'on ne lit pas bien. On lit, on relit encore.
D'abord on veut comprendre le sens puis on devient sensible au rythme et à la poésie du texte.
[A télécharger sous forme de fiche pratique en format PDF en cliquant ci-dessous.]
La première fois que tu es partie, c'est par curiosité. Voir du pays, dis-tu ? "La terre est une fenêtre, une petite bougeotte ne fera de mal à personne." Ce sont tes mots. Tu es partie. C'est pas pour voir du pays, ni pour du tourisme, le mot tourisme n'est pas fait pour ta bouche. Tu pars pour te regarder, voir cette femme que tu n'as jamais été. Tu pars pour en finir avec celle que tu fus , et pour faire place à cette femme que tu ne connais pas encore, patiente, légère, plus pleine d'elle même, des convulsions et balafres du monde. Tu vas vers tes instincts, vacillante, amputée d'une grande part de toi, de tes membres, de tes horizons, tu avances, tombes, glisses, encore recules, et resurgis telle la nageuse en apnée que l'on croyait noyée et qui refait surface sur une rive inconnue.
Tu veux traverser les mers pour voir ce que tu n'as pas vu, savoir ce que tu n'as pas su, rompre ce que tu n'as pas rompu. Tu es du genre jusqu'au bout la vérité, la justice et l'amour.
Tu es partie puisqu'il faut aller loin, épuiser l'espoir, se cogner la tête contre les vents.
Extrait de "Quand il fait triste Bertha chante" de Rodney Saint-Eloi ; traduction de Nelcya Delanoe et Joelle Rostkowski
Ce texte a été écrit par l'auteur en hommage à sa mère qui a choisi l'exil. S'il existe des départs choisis, il en existe d'autres qui nous sont imposés. Certains départs sont des voyages, d'autres sont des ruptures. Tous nous laissent un peu changés.
A votre tour d'écrire un court texte qui commencera par :
"Je refais surface sur une rive inconnue..."