- article de Nathalie Palayret
Lutter contre l'appauvrissement du langage en Ehpad
Dernière mise à jour : 12 mai 2020
Les personnes âgées qui résident en Ehpad, lorsqu’elles sont en mesure d’avoir des interactions sociales, ont peu d’occasion d’avoir des conversations variées. Une fois épuisés la météo, le sommeil, le repas et la santé, les sujets de discussions se font rares.

Cela n’est pas sans conséquence sur le vocabulaire, l’habileté syntaxique et, plus important peut-être, sur le plaisir à utiliser le langage dans toute sa richesse. Le vieillissement et les troubles cognitifs associés au grand âge vont malheureusement accentuer cet appauvrissement des moyens d’expression.
Les animateurs qui travaillent en Ehpad jouent un rôle essentiel auprès des résidents. Ce sont eux qui vont pouvoir relancer le plaisir de s’exprimer et de créer. L'un d'eux m’a contactée dans le cadre d’un travail qu’il avait entrepris dans son service. A plusieurs occasions (atelier de cuisine, soins de manucure…), il avait pris des photos des mains des résidents dans l’intention d’en faire une exposition. Il lui semblait intéressant d’accompagner cette exposition de textes écrits par un groupe de personnes âgées.
C’est dans ce cadre que j’ai conçu et animé 6 ateliers auxquels participaient de 6 à 8 résidents, en fonction de leur état de santé et de leur disponibilité (visite du kiné…).
Le thème des mains est très riche et il est surtout propice à “faire travailler” le langage. J’ai d'abord proposé aux participants de faire une liste des expressions et proverbes consacrés aux mains. Il s’agissait d’une tâche difficile puisqu’elle imposait de n’avoir que les mots pour support. Retrouver des chansons a été plus facile, la mélodie favorise la mémorisation mais aussi le retour du souvenir.
Atelier après atelier, les participants ont bien accepté la consigne : évoquer des activités du quotidien, des pratiques artistiques… mais toujours dans la mesure où les mains y jouaient un rôle essentiel. Cette contrainte s’est révélée stimulante en ce qu’elle oblige à trier et à opérer des choix.
L’objectif d’écriture de textes collectifs pour accompagner l’exposition nous a obligé
à chercher des titres pertinents, sélectionner les mots les plus appropriés, rassembler des bouts de phrases épars pour en faire un paragraphe. Si ce travail était difficile pour certains résidents, ils savaient qu’ils seraient secourus par les membres du groupe les plus à l’aise avec le langage.
Pendant ces ateliers, des souvenirs difficiles ont pu être partagés et accueillis par le groupe. Yves était très ému lorsqu’il nous a raconté comment il avait commencé à travailler dès 12 ans sur des chantiers de maçonnerie. Nous avons aussi partagé des fous rires, notamment grâce à l’imitation (de parfaite mauvaise foi) de biniou par Yvonne, 97 ans et qui déteste le biniou depuis toujours.
Chacun de ces résidents a participé, dans la mesure de ses propres capacités, à cette vie du groupe. On a parlé de tout autre chose que de la météo. Et quand Marc nous a raconté la recette de la tarte aux pommes, on est tous restés suspendus à son récit.